Yusuf Aclan est le tout jeune patron d’Ela, le restaurant et le supermarché, au cœur du centre commercial du Chêne Pointu. Tout le monde connaît.
Il a près de 60 000 fans, de 18 à 45 ans, sur la page Facebook de sa pâtisserie. Près de 20 000 sur celle qui parle de son restaurant. Qui dit mieux ? Yusuf Aclan est un entrepreneur dans l’âme et depuis petit. Normal, il est arrivé à 11 ans de sa ville natale Adana, considérée comme l’une des villes les plus dynamiques de Turquie. Il y a sans doute un lien de cause à effet. « Je ne parlais pas un mot de français. En trois mois j’avais ma base. Il faut dire que j’ai eu de bons profs, dont Madame Rivierez à Paul Vaillant Couturier. Tout le monde la connaît, elle était stricte avec nous mais super juste », sourit-il au souvenir. C’était sa première mission, réussir à s’intégrer, à apprivoiser sa ville de Clichy-sous-Bois. Il y est parvenu au-delà de ses espérances. Il se fait rapidement beaucoup d’amis, on les appelle « le groupe de Védrine », du nom du bâtiment dans lequel il habitait, au Chêne Pointu. A 19 ans il a son premier boulot. « Je faisais de porte à porte pour vendre des portes blindées aux personnes âgées. Horrible. Il fallait leur faire peur », se rappelle-t-il. Au bout de deux semaines il arrête, « trop d’arnaques ». Yusuf Aclan n’a peur de rien, au contraire, il prône le courage comme valeur sûre. Après une succession de boulots, d’échecs en réussites, l’aventure du centre commercial du Chêne Pointu commence pour lui : en 2009, il prend les clés du supermarché et du restaurant Ela, avec ses deux sœurs, Hayriye et Begum qui s’occupent de l’administratif, ainsi que son beau-frère en charge des achats. Il transforme le lieu, peu et mal fréquenté. « Le fait qu’on soit du quartier a tout changé pour les gens. Ils nous ont fait confiance. On a instauré un vrai dialogue. J’ai beaucoup été aidé par Défi, dont sa directrice Marie-Anne Galazka, à la retraite aujourd’hui », poursuit Yusuf. Pour lui, Clichy est « une ville d’entrepreneurs. C’est une ville jeune, avec plein de gens qui ont un talent. La diversité aide beaucoup à développer cet esprit. Et puis, nous sommes isolés, on a donc une autre façon de vivre, avec beaucoup d’envies. L’arrivée du tram et du métro va représenter un grand tournant pour nous tous », insiste-t-il. Bientôt ce jeune marié quittera le centre commercial du Chêne Pointu voué à la démolition et s’installera « au pied du tramway ». En amoureux de sa ville, il poursuit son action pour la faire évoluer et la transformer. « Parce qu’elle le vaut bien », assure-t-il. Quelqu’un pour dire le contraire ?
Article publié dans Le mag n°116 Novembre-décembre 2017